mercredi 2 septembre 2009

La Gauche revient

Les Hommes suivent leur route selon deux grandes orientations : l’individualisme ou la solidarité. L’individualisme pousse à considérer les autres comme des concurrents, la solidarité comme des partenaires. L’individualisme, c’est la loi de la jungle, la solidarité, celle de la loi de la cité.

La Gauche d’aujourd’hui se reconnaît héritière d’une histoire dont elle veut éviter les erreurs sans renoncer aux espoirs de ses prédécesseurs.

La solidarité n’a rien à voir avec la charité. La charité, c’est la solidarité de dame patronnesse, le don du riche au pauvre, la pitié du fort au faible.

La solidarité ne nécessite pas de sentiments entre les personnes. Elle est efficace au contraire froide et vierge de tout sentiment. Et son moteur le plus puissant est l’intérêt bien compris.

C’est une grande victoire des deux derniers siècles que d’avoir appris à organiser le don sans dame patronnesse, mais grâce à la loi. C’est une grande victoire que d’avoir légitimé la lutte contre les inégalités, contre la spoliation des richesses produites par le travail au profit du capital?

D’autre part, elle n’est pas envisagée comme le partage de ce qu’on a, mais comme le partage des fruits du développement que l’on construit en commun. Il s’agit là aussi d’un caractère qui différencie la solidarité de la charité.

Dans les années 1980, une nouvelle solidarité est apparue : celle avec les Hommes du futur. Le développement doit être durable, c’est-à-dire qu’il ne doit pas épuiser les ressources du monde que nous laisserons à nos enfants.

Le socialisme désigne un type d'organisation sociale basé sur la propriété collective (ou propriété sociale) des moyens de production par opposition au capitalisme. Le socialisme vise la justice sociale, le progrès social et l’avènement d’une société sans classe pour supprimer l’exploitation de l’Homme par l’Homme.

C’est le but suivi par les mouvements apparus au cours du 19ème et du 20ème siècle du marxisme, des anarchistes et de la social-démocratie.
- Les anarchistes se sont perdus dans des actions de grand banditisme au début du 20ème siècle et ne sont plus représentés aujourd’hui que par quelques vieux et sympathiques cons isolés dans leur jardin.
- Le marxisme renaît sur la crise du capitalisme de ce début du 21ème siècle, mais ne parvient pas à convaincre, ou plutôt effraie à cause des errements totalitaires soviétiques. Le régime chinois – caricature du capitalisme – ne présente pas les mêmes risques pour le mouvement socialiste.
- Quant à la social-démocratie, elle ne parvient pas à mobiliser la population au nom de laquelle elle se bat. Dans toute l’Europe, elle subit le poids du désengagement du « peuple de Gauche » déçu parce qu’elle ne fait pas au pouvoir ce qu’elle dit dans l’opposition et ne propose que d’ajuster ce qu’elle dit à ce qu’elle pense devoir faire.

Aujourd’hui, en France, les organisations de Gauche sont plus ou moins héritières de ces tendances :
- Le Parti Socialiste s’est différencié des partis socialistes européens qui ont explicitement adopté l’aggiornamento social-démocrate. L’aggiornamento du congrès de la Défense, au début des années 1990 ne va pas jusque là ; la dernière version de la déclaration de principe fait tout de même un petit pas de plus.
- Le Parti de Gauche et le Parti Communiste construisent ensemble une organisation qui se rapproche du parti allemand Die Linke, centrant son action sur l’exigence sociale : le Front de Gauche. Mais il ne mobilise pas assez.
- Le Nouveau Parti Anticapitaliste affirme son caractère anticapitaliste et refuse toujours, malgré l’incompréhension de beaucoup de ses électeurs qui le lâchent, de gouverner avec la tendance socio-démocrate.

L’écologie politique qui s’est affichée lors des élections européennes de 2009 valide son positionnement qui ne se résout pas dans l’écologie, mais vise aussi le souhaitable social.

Proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dans le Rapport Brundtland, le développement durable est : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. »

La Gauche souffre du désarroi du socialisme produit par les échecs de toutes ses tendances (anarchistes, marxistes et socio-démocrates). Même si Europe Écologie peut fêter sa victoire d’avoir damé le pion au Parti socialiste, la Gauche a perdu. L’élection européenne de 2009 est l’échec de la Gauche entière.

Mais un nouveau paysage se dessine. La politique ne se réduit plus à des enjeux présents, mais concerne aussi l’avenir de l’Homme. Martine Aubry l’a très bien formulé : « Le grand défi de la Gauche : assumer en même temps l’exigence sociale (bien vivre) et l’urgence environnementale (survivre). »

Aujourd’hui, la Gauche a un avenir qui se construit sur son capital commun : le souhaitable social, le soutenable environnemental et le possible économique. Pour gagner, les militants doivent travailler en poursuivant cet objectif qui dépasse son organisation :
- Au Parti Socialiste, il ne faut pas que le souci du possible travaille contre le souhaitable social ou le soutenable environnemental.
- Au Front de Gauche, le souhaitable social ne doit pas imposer la fuite en avant irresponsable de l’irréalisme économique et de l’inconséquence environnementale.
- Chez les Verts, le soutenable environnemental ne doit pas empêcher le développement économique et social de la société humaine.

Les militants du NPA sont très appréciés pour leur contribution au mouvement social, toujours nécessaire, que le pouvoir soit à Gauche comme à droite. Mais l’anticapitalisme que le NPA affiche aplatit la conception du monde et replace la Gauche dans le monde du 20ème siècle.

Le mouvement social est ce qui fait que la Gauche est efficace au jour le jour quand elle est au pouvoir et présente auprès de ses soutiens quand elle est dans l’opposition. En France, ce mouvement social s’appuie sur une offre syndicale qui permet à chacun de trouver sa place. Le corps syndical rassemblé doit pouvoir bénéficier du soutien politique de la Gauche, étendre son réservoir militant et s’assurer les ressources nécessaires à ses activités, en particulier dans ses activités territoriales : droits syndicaux dans l’entreprise et sur le territoire, rémunération de la présence social des syndicats – unions locales – et démocratie sociale.

Partis politiques et organisations syndicales sont les outils de la Gauche. La charte d’Amiens revendique une indépendance syndicale qui garantit la responsabilité des élus politiques vis-à-vis de leurs engagements.

La solidarité entre organisations politiques de Gauche est le moteur de la victoire. C’est elle qui va mobiliser les électeurs qui ont fait défaut. L’idéal serait que les trois pôles décrits soient portés par trois organisations de même poids pour que cette solidarité soit nécessaire à chaque organisation et que tous les piliers de la Gauche – piliers du développement durable – soient portés en même temps.

Pour se présenter devant les électeurs, les organisations de Gauche doivent proposer des programmes qui se complètent. Lors du premier tour des élections, les électeurs de Gauche choisissent le pôle qu’ils privilégient. Lors du deuxième tour, ils se rassemblent sur le pôle le mieux placés sans renoncer à leur choix grâce à la solidarité installée.

Ces programmes ont besoin d’être financés. Une nouvelle architecture financière des politiques publiques doit être proposée qui assure les moyens de cette politique publique de façon pérenne et juste – suppression de la tva, suppression du bouclier fiscal, etc.

D’autre part, l’une des causes de la crise financière est l’excès d’épargne. Cet excès nourrit l’endettement des non épargnants contraints à emprunter par la baisse de leurs revenus pour préserver leur pouvoir d’achat comme le bouclier fiscal nourrit l’endettement de l’État – transformation des contribuables les plus riches en prêteurs. « À partir d’une certaine somme, disait Georges Marchais, je prends tout. »

Enfin, à force de suppressions de cotisations sociales, les organismes sociaux sont mis en déficit, les entreprises choisissent des stratégies de subventionnés et les salariés s’appauvrissent.

La nouvelle architecture financière

L’action publique est nécessaire à l’exercice de la solidarité et son financement doit être transparent, juste et alimenté sur la richesse créée (impôts des personnes morales) et sur les revenus (impôts des personnes physiques).

Presque 90% des personnes physiques vivent de salaires. De plus en plus universelle, la couverture sociale des personnes physiques doit être financée par un mécanisme universel et non plus seulement salarié. Le financement par cotisation salariée prélevée à la source et complétée par la cotisation patronale indexée sur les salaires n’assure plus suffisamment de ressources aux organismes sociaux, pénalise les entreprises de main-d’œuvre et pousse à l’externalisation. Il faut supprimer cotisations salariales et patronales et les remplacer par :
- la contribution sociale des personnes physiques, un prélèvement sur les revenus salariaux et financiers pour les personnes physiques,
- la contribution sociale des entreprises, un prélèvement sur le revenu brut du bilan pour les personnes morales.

La TVA pénalise les plus pauvres qui consomment tout leur revenu. L’impôt sur les sociétés pénalise les entreprises de main-d’œuvre, mais ne doit pas disparaître parce que nécessaire. Aucun financement n’est prévu pour réparer ou prévenir les atteintes à l’environnement infligées par la production ou la consommation.

Toutes les contributions financières à l’Union européenne, à l’État et aux collectivités locales doivent être prélevées sur les richesses réelles des personnes physiques et morales comme pour les contributions sociales, tout prélèvement sur la consommation étant supprimé (suppression de la TVA).

Enfin, le financement des actions environnementales doit être, pour une partie, bâti sur les contributions environnement des personnes physiques et morales en fonction de leurs revenus ou résultats, mais aussi par des taxes ou des aides sur la consommation en fonction de l’impact (négatif ou positif) reconnu sur l’environnement.

Sur leur CA, les entreprises imputent le coût de leurs fournisseurs et le salaire versé aux salariés. C’est sur leur résultat brut, en fonction de son niveau éventuellement corrigé d’un certain nombre de paramètres (nombre de salariés, structure du capital, branche professionnelle, etc.) que les sociétés contribuent au fonctionnement solidaire de la société (social, territorial, national, européen et environnemental).

Sur tous leurs revenus (salariaux et financiers) que les personnes physiques, groupés en foyers fiscaux, contribuent au fonctionnement solidaire de la société (social, territorial, national, européen et environnemental).

Le pouvoir politique ne doit pas décider sur tout. Un certain nombre de domaines doivent être soustraits de ses compétences pour être conduites par d’autres circuits démocratiques.

Les affaires sociales sont conduites par des organismes sociaux animés par les représentants des actifs en position « normale » sur listes syndicales (étudiants et apprentis, salariés, chômeurs, professions libérales et retraités) en un seul collège.

Ces représentants construisent un budget en concertation avec le pouvoir politique et couvert chaque année par les contributions sociales des entreprises prélevées sur le résultat brut et par les contributions sociales des foyers fiscaux sur leurs revenus en fonction : c’est le niveau de revenu qui détermine le niveau de la contribution.

Les actions menées par les organismes sociaux en matière de politique santé (prévention), âges (enfance, vieillesse), revenus (autonomie jeunes, chômage, retraite), formation (tout au long de la vie), etc. sont explicites et publiées.

L’animation économique et sociale est conduite par les chambres consulaires (agriculture, métiers, commerciales et industrielles) où sont représentés tous les actifs (salariés et patronaux) par des élus sur listes syndicales. Le conseil de développement de pays et d’agglomération est le lieu de concertation entre le pouvoir politique du territoire et les chambres consulaires.

Le conseil scientifique est essentiel pour évaluer l’impact des activités humaines sur l’environnement. Le gouvernement de ce domaine doit donc impliquer fortement les scientifiques (chercheurs et techniciens de terrain) auprès des autorités politiques qui peuvent ne pas suivre les propositions du conseil scientifique, mais en toute connaissance de cause en le justifiant explicitement.

La Gauche revient

Les réformes de fond valent toutes les révolutions. Le projet de société de la Gauche bâti sur son trésor commun – le développement économique, social et durable – doit disposer d’un financement assuré par la nouvelle architecture de financement de l’action publique nécessaire.

Ces réformes sont mises en œuvre par les citoyens de Gauche, du simple électeur au militant et à l’élu et par les organisations plus ou moins sensibles à un des trois piliers du développement durable (l’économie, le social et l’environnement), mais solidaires entre elles.

La Gauche mobilisée sur ce projet est majoritaire en Europe. Mobilisons donc la Gauche.