jeudi 24 janvier 2013

Résoudre la crise: le salaire plutôt que la finance.

Le gouvernement se réjouit de la signature de l'accord visant à faciliter les ajustements salariaux contre d'hypothétiques sécurisation à venir et soumises à négociations d'entreprises. Jusqu'à présent, l'action du gouvernement et du président élu semble aller à l'encontre de la campagne menée par le candidat vainqueur de l'élection présidentielle.

L'acceptation a une réalité très large qui va du renoncement à l'adhésion. Depuis trente ans, la première expérience du socialisme au pouvoir pour les générations vivant actuellement, les salariés acceptent les politiques menées dans l'espoir de contribuer au développement de l'emploi, objectif final du développement économique selon eux. Au bout de trente ans, c'est le renoncement plutôt que l'adhésion qui porte l'acceptation manifestée dans les élections et la faiblesse des mouvements sociaux. Si Mitterrand a pu faire un deuxième mandat, la partie sera plus difficile pour Hollande.

Ces trente années ont été largement préparées par la dizaine qui les a précédé. En 1970, le libéralisme devient le credo majoritaire, Keynes perd son poids auprès des décideurs. Mais il aura fallu dix ans pour qu'en France, le peuple de gauche, sa composante la moins radicale, accepte le théorème formulé par Helmut Schmidt, socio-démocrate allemand, en 1975: "Les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain, donc les emplois de demain.". Beaucoup de renoncement dilué dans une forte adhésion à la politique européenne explique largement ce mouvement conforté par l'écroulement des régimes communiste. C'est la fin de l'histoire (Francis Fukuyama).

A partir du milieu des années 1980, le travail est précarisé par la multiplication des contrats à durée déterminée, à temps partiel, jeunes, aidés, etc. La fonction publique est transformée par une gestion marchande, dans les hôpitaux en particulier au profit d'une économie hospitalière privée florissante. Les salaires sont individualisés, contraints, écornés par les exonérations de cotisations sociales - leur compensation par l'Etat est alimentée à 90% par les impôts sur le salaire net.

La faiblesse des salaires est ensuite cachée par la facilité d'obtenir des crédits produite par l'importante du secteur financier. D'ailleurs la banque des règlements internationaux (BIS en anglais), dans une étude sur l’impact de la taille et de la croissance du système financier sur la croissance dans les économies développées et émergentes, montre qu'il existe un seuil à partir duquel la taille de la finance joue contre l'économie.

Une banque n'a pas l'argent qu'elle prête. A chaque crédit, elle met le montant en actif et en passif dans son bilan. Elle crée de la monnaie. Contrairement à ce qui se passe dans une banque centrale - pourtant appelée planche à billet - la monnaie qu'elle crée n'est pas complètement éliminée à la fin du crédit. Les intérêts constituent de la monnaie créée ex-nihilo conservée dans le système financier qui se gonfle ainsi.

Tract de la CGT
Le tissu industriel multiplie l'externalisation de fonctions jugées "hors métier". Les entreprises sont mises au service de la valeur, les actionnaires confisquant la richesse produite et détournant les capitaux de l'économie réelle. L'entreprise est recentrée sur la société, les salariés sont exclus comme variable d'ajustement.

L'accord Medef-CFDT met en place immédiatement la flexibilité qui va permettre de baisser les salaires, d'augmenter le temps de travail et de limiter les risques légaux sur les conduites douteuses dès que la société le jugera nécessaire. Il repousse tout ce qui est censé améliorer la sécurité des salariés à des négociations d'entreprise à trois ans - le temps de concevoir de nouveaux axes de flexibilisation? Et  les organisations complices (CFTC et CGC) ne seront plus représentatives à très court terme.

L'ennemi de la finance ne saura pas mobiliser longtemps ses soutiens initiaux s'il continue à promettre aux salariés et à donner aux financiers. L'acceptation obtenue par renoncement se transforme vite en indifférence, laissant la place aux dérives identitaires les plus dangereuses.

La finance tient les Etats, les particuliers et les entreprises dans ses griffes. Pour s'en sortir il faut:
  • réactiver un réseau européen de banques centrales pour financer les projets des Etats;
  • augmenter les salaires pour aider les salariés à solder leurs crédits et s'en libérer;
  • mettre en place un circuit court entre épargne (importante en France) et entreprise.

D'autre part, la protection sociale est un élément important du bien-être salarié. Les cotisations sociales doivent être alimentées directement sur la production, éventuellement en déplaçant la part patronale, sans exonération mais avec une éventuelle modulation pour servir des objectifs d'emploi, du salaire brute vers la valeur ajoutée.