mardi 19 octobre 2010

Pour un nouveau contrat social

S'ils sont en bonne santé, si leur pension n'est pas trop éloignée de leur salaire d'activité, s'il ont un réseau social porteur de projets, les retraités sont actifs. Désormais détenteurs d'un salaire à vie, libérés de la subordination de la condition salariée, ils le disent, "ils n'ont jamais autant travaillé".*
Pour promouvoir sa réforme, le gouvernement se place sur le terrain de l'arithmétique développée par le Medef: "avec l'allongement de la vie, il y a de moins en moins d'actifs** pour payer la pension des retraités qui deviennent trop nombreux". Qu'aurait-on pensé d'un économiste qui aurait soutenu la prévision d'une famine effroyable pour la fin du 20ème siècle sous le prétexte que le nombre de paysans allait passer de un pour trois à un pour trente? Il aurait été pris pour un idiot.

En cinquante ans, la productivité double pour un nombre constant d'actifs. Mais depuis trente ans les gains de productivité sont confisqués par les actionnaires qui gaspillent les profits dans des placements risqués sur des dettes pourries jusqu'à mettre à bas l'économie mondiale sauvée par la collectivité. Avec cette crise, les actionnaires, véritables commanditaires des exactions de leurs mandataires patronaux, doivent rembourser les dettes contractées à cette occasion.

Aujourd'hui, pour la sixième fois cette année, plusieurs millions de personnes ont manifesté contre la réforme du gouvernement. Mais, comme le souligne un article publié dans le Frankfurter Rundschau d'aujourd'hui, le mouvement manifeste une protestation qui va au-delà des retraites.
Les discussions entendues dans le cortège, à Rennes, pointaient toutes le partage de la richesse. Comment est-il possible qu'un pays de plus en plus en plus riche doive infliger à ses citoyens de moins en moins de droits? Comment est-il possible que la génération suivante doive supporter une dégradation de son niveau de vie. Comment se fait-il que s'inverse le mouvement séculaire du travailler moins pour gagner plus?

Les entreprises doivent cesser de ne travailler qu'à créer de la valeur - objectif patrimonial qui cache la confiscation capitaliste du travail. Il est temps de remplacer l'initiative privée par l'initiative personnel, de libérer la liberté de la personne morale de l'entreprise du joug de la prétendue propriété de celui qui apporte les capitaux. Cette personne morale a des devoirs envers ses salariés qui ont besoin d'un emploi durable qui rémunère les qualifications apportées et envers la société qui lui apporte un environnement favorable.

L'entreprise est le lieu de la combinaison du capital et du travail au bénéfice de ceux qui travaillent comme de ceux qui financent, pas plus, mais pas moins. Il est insupportable qu'une entreprise comme France Telecom qui dégage un résultat de 1,13 € par action doivent verser 1,40 € de dividende par action. Il est insupportable que son nouveau contrat social ne soit pas négocié et ne fasse pas l'objet d'un compromis, les dirigeants ne cherchant qu'à dégager une espèce de consensus non explicite.

Les salariés imputent comme charges de production au titre des qualifications qu'ils apportent, ils sont aussi partie-prenante dans l'entreprise et doivent participer aux décisions au même titre que les financeurs. C'est à cela que je veux travailler maintenant: un statut de l'entreprise autonome au bénéfice de la société.

-----
* D'après Bernard Friot (L'enjeu des retraites - La Dispute).
** En fait, pour l'instant, avec les cotisations dont les employeurs sont de plus en plus exonérés, ce sont les actifs employés qui paient les cotisations utilisées pour la répartition aux retraités. Le Medef et le gouvernement font bizarrement l'impasse sur l'existence du chômage.