mercredi 10 novembre 2010

Génération 2012

Plus jeune membre du bureau national du parti socialiste, Razzy Hammadi est chargé des services publics au secrétariat national depuis le congrès de Reims. Il a contribué notamment à la réussite de la votation citoyenne contre la privatisation de la poste.
Agé de 31 ans, il nous propose dans "Génération 2012" la cohérence, les mots d'ordre et les modalités d'action que doit remplir le mouvement de gauche pour que la victoire de 2012 ne soit pas confisquée.

Génération 2012
J'ai un quart de siècle de plus que Razzy. Dans la première partie de son livre il raconte le parcours personnel qui l'a conduit à son activité d'aujourd'hui. Cette démarche lui donne un point de vue générationnel qui ouvre au PS la possibilité de faire son aggiornamento pour les années où il a eu le pouvoir.

De la génération de son père, j'apprécie dans ce livre d'être ainsi interpellé. Je fais bien partie de la génération qui a intégré le théorème de Schmidt* au point de ne pas voir à quel point la baisse de la masse salariale, le recul de l'Etat, l'appauvrissement du système de sécurité sociale mis en place par nos parents étaient la vraie cible des "réformateurs".

L'Etat constitue le pivot de la construction de Razzy: un état acteur, un état républicain, un état en mouvement. L'analyse de la RGPP**, déclinaison publique de la traque des coûts qui a conduit France Telecom à la catastrophe sociale révélée en 2009, lui permet de construire une méthode de réappropriation publique de la société qui satisfasse le minimum d'exigence de gauche: développer une capacité d'action et d'expertise au service d'un caractère identitaire républicain non négociable dans les traités européens en particulier, grâce à une fonction publique moderne, responsable, neutre, indépendante***, de qualité et en nombre suffisant en phase avec les attentes des citoyens et en mouvement.

"Parce que la gauche, ce n'est pas l'anti-droite mais bien l'alternative, il nous faudra assumer que l'objectif ne sera pas de revenir à la situation d'avant 2002. La demande publique évolue, tant géographiquement que dans la nature des besoins qui la sous-tendent. Il faudra de nouveaux métiers, une territorialisation différente et bien évidemment une évaluation de ses missions autre que celle qui fonde les données scorisables comme seule et unique boussole de notre Etat." (p. 122)

Razzy a pris le dossier des services publics comme les jeunes de sa génération, un sujet d'invectives entre deux camps, une partie des socialistes reprochant à l'autre partie de les avoir bradés. Il est vrai que très vite après les nationalisations de 1981, les socialistes ont privatisé, déréglementé, externalisé sous prétexte d'obligation européenne.
Comme Razzy, j'ai été heureux d'avoir vu Jean-Marc Ayrault parler de l'erreur de la gauche d'avoir commis la privatisation de France Telecom au moment de la mobilisation contre celle de la poste. La méthode qu'il suit au secrétariat national est la bonne et permet aux historiques du service public dont je fais partie de sortir du ressentiment. Le discours de Razzy, "droit d'inventaire revendiqué et devoir d'inventer assumé" est la motivation de ma mobilisation d'aujourd'hui: service public personnalisé, partenariat public-privé, réappropriation publique démocratique contrôlée par l'Etat, les fonctionnaires indépendants et responsables, les usagers, les partenaires. J'irais même jusqu'à oeuvrer à la pénalisation des privatisations - détournement du bien public.

Sur l'Europe aussi, Razzy se place dans une perception générationnelle. Il souligne son attachement à l'Europe des fondateurs pour construire la paix, la fraternité et la mise en commun pour être plus fort ensemble. Mais la croyance selon laquelle l'approfondissement économique produirait  l'union politique est l'erreur de ma génération. C'est l'erreur de la social-démocratie de ma génération. C'est elle qui est reprochée aux socialistes et que nous devons reconnaître et corriger, nous socialistes d'aujourd'hui qui passons la main à nos enfants.

Europe sociale
J'aime la citation du livre de Georges Debunne, "A quand l'Europe sociale"; j'aime la mise en avant de ce père fondateur syndicaliste connu de personne qui rappelle la présence des contributions syndicales à la construction de l'Europe.
J'aime aussi l'appel à un plan méditerranée et la mise en avant de cette richesse française que constitue sa diversité.
J'aime la mise en avant de la spécificité française de nation politique que sa diplomatie doit porter dans le monde. C'est quand elle s'affirme que la France est aimée, pas comme un empire colonial, mais comme réveillant les consciences à ses valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.

Mais la destruction de l'Etat n'a pas commencé en 2002. Ce serait une erreur de ne pas corriger aussi les actions commises par les socialistes en la matière. Je pense à la régulation des télécoms qui fait qu'aujourd'hui, un secteur privé régulé par un office "indépendant" rend nécessaire la dépense publique et l'impôt pour déployer la fibre théoriquement en quinze ans alors qu'une administration a réussi à déployer le téléphone en dix ans en rapportant de l'argent à l'Etat. Le modèle actuel du secteur des télécoms doit être réformé.

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* Helmut Schmidt en 1975: "Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain. Trente ans après, les profits ce sont évaporés dans une finance de casino nous privant à la fois d'investissements et d'emplois.
** Révision Générale des Politiques Publiques
*** L'indépendance des fonctionnaires doit être garantie par le statut et l'ouverture du recrutement à tout citoyen qui le souhaite selon des critères impartiaux.