samedi 10 août 2013

Financer les retraites

Le mouvement social a réuni toute la gauche contre la réforme des retraites en 2010. Mais cette unité cachait un débat qui partage la gauche. 

Il y a bien un débat gauche/droite sur la TVA sociale:
- la droite veut financer la protection sociale par un prélèvement sur la consommation;
- la gauche refuse de faire peser ce financement sur les plus bas salaires qui sont d'autant plus consacrés à la consommation qu'ils sont petits.
La gauche est unie quand il faut empêcher de faire payer les plus pauvres, les faire contribuer plus que les riches.

Mais il y a aussi un débat à l'intérieur de la gauche:
- la deuxième gauche veut fiscaliser le financement de la protection sociale au nom de son universalisation;
- la première gauche refuse cette fiscalisation qui sort le financement de la protection sociale du partage de la valeur ajoutée et le fait peser sur les salaires nets à 90%.
Si la gauche ne mène pas au fond ce débat de société, elle court à sa perte. Le gouvernement sera poussé dans la spirale de l'allègement des charges qu'il ne pourra plus fiscaliser pour raison d'équilibre des budgets publics (la règle d'or). Et la première gauche sera enfermée dans la contestation.

La gauche au gouvernement s'est appropriée la vision d'une économie qui souffre du coût du travail et s'oblige à limiter la part de valeur ajoutée attribuée aux salariés. Si la droite a accentué cette politique ces dix dernières années, c'est bien la deuxième gauche qui a ouvert la voie des exonérations.

Aujourd'hui, les salariés cèdent 30Md€ de profits à l'entreprise (exonérations de cotisations patronales) et financent 90% de la compensation faite par l'Etat aux organismes sociaux au travers de la CSG.


Pour résoudre cette crise politique à gauche, il faut répondre à deux questions:
- quel facteur de production impose un prix si important qu'il constitue un coût intolérable pour la compétitivité de l'entreprise?
- quel est le mécanisme de financement de la protection sociale qui conforterait le plus la solidarité, de faon la plus indépendante des aléas économiques?

Le surcoût du capital

Voir
Voir "Le coût du capital et son surcoût. Sens de la notion, mesure et évolution, conséquences économiques. Etude de Laurent CORDONNIER, Vincent DUWICQUET, Franck VANDEVELDE de l'Université de Lile 1 - Clersé Umr 8019, Thomas DALLERY de l'Université du Littoral - Tves, Jordan MELMIES de l'Université de Nice Sophia Antipolis pour la CGT- mai 2013.

Le document est disponible sur le site de l'IRES.

La cotisation plutôt que la fiscalité

Dans les conférences sociales, le gouvernement cherche à faire valider un nouveau compromis social pour mettre en œuvre sa réforme du financement de la sécurité sociale, sa réforme de l'assurance maladie, sa réforme des retraites et sa réforme du marché du travail et de l'emploi dite de compétitivité emploi.

Dans ces réformes, le gouvernement prend le point de vue du capital avec un abondement de l'état (allègement fiscal de 20 milliards d'euro, un crédit d'impôt et la transposition intégrale de l'accord national interprofessionnel). Il n'a pas pu mettre en œuvre la réforme fiscale qui consistait en un relèvement massif de la CSG. Mais il conduit la réforme des retraites vers "la réduction des charges sociales" qui vise à diminuer la part de la valeur ajoutée attribuée au travail.

La fiscalisation du financement de la sécurité sociale dans la CSG du gouvernement fait peser ce financement sur les ménages plutôt que sur les entreprises, le lieu de la création des richesses. Le transfert a déjà bien avancé avec une part de ressources fiscales de la protection sociale passée de 2 à 37% entre 1990 et aujourd'hui.

La cotisation sociale constitue un prélèvement mutualisé sur la richesse produite visant à répondre aux aléas de la vie: maladie, chômage, vieillesse, dépendance. Elle met en œuvre le principe de solidarité universelle intra et inter générationnelle.

En fiscalisant, le gouvernement augmente le profit et les trente dernières années montrent que cette augmentation ne va pas à l'entreprise, mais aux actionnaires. Et ce flux renforce le poids du capital dans l'économie, il gonfle les bulles financières dont l'éclatement perturbe régulièrement le fonctionnement de l'économie réelle.

C'est le capital qui décide de tout dans l'entreprise, là est le véritable problème. On pouvait croire au théorème de Schmidt: "Les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après demain.". Mais le capital en a décidé autrement, les investissements n'ont pas augmenté, mais les dividendes ont explosé. C'est la leçon des trente dernières années. Il est temps d'en tenir compte.