mercredi 26 janvier 2011

Droit du travail

La mondialisation et les crises financières assassinent nos sociétés ici sans produire le bonheur là-bas. C'est pourtant une belle histoire sociale de progrès sur 75 années que nous a laissé le vingtième siècle.

Aujourd'hui, la foi dans le progrès humain, les luttes pour l'émancipation de l'Homme, le dépassement de la démocratie formelle, de la liberté à l'égalité ne font plus partie de la culture commune. Aujourd'hui, la première préoccupation est de trouver un travail pour gagner sa vie. Et cette préoccupation est instrumentalisée par le premier d'entre les Français sous la formule "travailler plus pour gagner plus".

L'histoire du vingtième siècle est celle de la formation d'un droit social émancipé du droit civil pour régler les rapports non plus entre citoyens égaux, mais entre serviteurs et maîtres. Le rapport entre employé et employeur est marqué par la subordination de l'employé vis à vis de l'employeur propriétaire de l'entreprise.

Au début du dix-neuvième siècle, c'est le droit civil qui réglait les relations entre employeurs et employés. La subordination du salarié à l'employeur était ignorée. L'un et l'autre étaient considérés comme égaux et libres.

S'inquiétant des taux de mortalité qui sévissaient dans le prolétariat, s'inquiétant du défaut de soldats que risquait d'entraîner cette mortalité, la société du dix-neuvième siècle fait apparaît des protections qui dérogent à la libre contractualisation avec une durée de travail limitée pour les enfants, pour les femmes. Le temps de travail légal s'impose et diminue jusqu'aux 35 heures à la fin du vingtième siècle. Des libertés apparaissent ensuite (association, grève légale et ne donnant plus lieu à rupture du contrat de travail, lockout interdit en 1950) et les syndicats prennent corps dans la vie économique avec les DP en 1936, le CE en 1945, l'existence reconnue du syndicat et de la section d'entreprise en 1968 et obtiennent des moyens d'intervention accrus avec les lois Auroux. En matière de santé au travail l'objectif évolue de la réparation à la prévention. Le salaire minimum apparaît en 1950, le salaire mensuel s'impose en 1972, le licenciement est encadré.

Mais dans le dernier quart du vingtième siècle le contrat de travail fait l'objet de divers contournements. Le droit du travail perd en qualité à cause de la généralisation de la négociation collective localisée, devient complexe et difficile à lire.

Le monde change. Jusqu'à présent, en France, les salariés sont restés dans un rôle d'agents concertés dans la conduite économique de la société. Pourtant, le dernier quart du vingtième siècle a vu leur statut individualisé, leur salaire de plus en plus dépendant des résultats de l'entreprise, leur parcours de plus en plus précaire au fil de stratégies patronales de plus en plus marquées par les préoccupations patrimoniales des actionnaires.

S'ils poussent à cette évolution d'un salariat de plus en plus impliqué, gouvernement et patronat refusent toute démocratie dans l'entreprise, sauf celle qui consiste à aider les salariés à accepter des décisions dites "inévitables". C'est ce débat qu'ont refusé d'accompagner les élus bretons dans l'appel Atalante.

La première stratégie mise en place par les syndicats, de façon magistrale par la CGT avec le statut du tavail salarié, est de produire des droits sociaux salariés indépendants de l'entreprise en les rendant "portables": le premier accord poursuivant cet objectif est celui sur la formation professionnelle.

La deuxième stratégie qui tarde à se mettre en route est l'émancipation de l'entreprise vis à vis de ses financeurs et la conduite démocratique de l'entreprise. L'entreprise doit devenir une personne morale sur laquelle personne n'a de droit de propriété et qui vit tant que son modèle économique le permet. La direction de cette entreprise serait assumée par un directoire formé de trois composantes: les financeurs du capital, les financeurs de projets et les salariés.

Pour permettre la mise en place des ces stratégies, il faut s'assurer un financement non prédateur de l'économie au travers de la généralisation de caisses d'épargnes territoriales administrées par les collectivités et les épargnants. Ainsi, la prospérité collective interviendrait autant que le souci patrimonial des prêteurs et le système financier deviendrait plus réaliste.

Le droit social idéal n'existe pas. Il est contingent et dépend de l'économie dans laquelle il prend pied, économie encadrée par des règles qui portent un projet de société.