mardi 8 mai 2012

Détricoter la crise

La crise qui frappe l'Europe est une crise du déficit public et les autorités politiques européennes libérales et social-démocrate la traitent comme une crise de la dépense publique excessive. Ce traitement génère une crise sociale massive dans les pays qui doivent s'adresser au système bancaire à des conditions usuraires. Sous prétexte qu'un pays est supposé ne pas pouvoir rembourser une dette à 2%, la banque lui impose un prêt à 4, 8 ou 10%!
En fait, cette crise est tricotée depuis une quarantaine d'année et il ne sera pas possible de s'en sortir sans revenir sur ce qui l'a produite.

La crise qui frappe l'Europe est une crise des dettes publiques et la solution exigée par "les marchés" consiste à diminuer de façon plus ou moins forte les dépenses publiques. La Grèce est particulièrement malmenée par cette médecine de la saignée. Mais le traitement est demandé à tous les Etats.

Evolution comparée de la dépense publique et du PIB
La croissance de la dépense publique française varie tout à fait normalement autour de celle du PIB.

Veiller à la bonne pratique.


Une bonne gestion des finances commande de ne pas emprunter pour alimenter les dépenses de fonctionnement. Les recettes de l'Etat doivent couvrir à tout prix ces dépenses.

Mais l'Etat peut alimenter les dépenses d'investissement avec de l'emprunt, celui-ci pouvant être couvert par la valeur ajoutée générée grâce à cet investissements.

Le poids des banques est de plus en plus lourd pour l'Etat.


De moins en moins d'investissement et
de plus en plus de charges d'intérêt
Le rapport sur la dépense publique produit par le ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 montre que deux postes de dépenses augmentent surtout:: les prestations sociales et les charges d'intérêts.

Les progrès de la médecine et l'allongement de la vie, ainsi que l'augmentation des inégalités et du nombre de situations de pauvreté produisent assez naturellement une croissance des dépenses de prestations sociales.

Par contre l'augmentation des charges d'intérêts est la marque d'un cercle vicieux rendant l'économie publique dépendant des marchés financiers.

L'économie a besoin de monnaie.

Ce rôle de la banque est utile à l'économie. Mais...

La banque est un énorme aspirateur financier.


La fabrique de monnaie libérale
Une banque peut prêter sept fois le montant qu'elle a en réserve. Une banque qui dispose d'1M€ peut prêter 7M€ et si elle le fait à 5% sur 10 ans, elle obtiendra près de 2M€ d'intérêt.

Au moment du prêt, elle inscrit les 7M€ en actif et en passif dans son bilan et diminue ces lignes au fur et à mesure du remboursement du capital. Lorsque le prêt est remboursé, l'argent créé dans le bilan de la banque a disparu, mais son coffre se retrouve gonflé des intérêts.

La banque a créé de la monnaie et se l'est approprié. Il est clair qu'elle a tout intérêt à pérenniser le besoin de crédit.

La banque s'est rendue indispensable.


Le meilleur moyen de s'assurer la pérennité c'est de se rendre indispensable. La banque y est parvenue en quarante ans auprès de l'Etat, des particuliers et des entreprises.

L'Etat ne peut plus s'adresser à sa banque centrale.


En 1973, la France oblige son Etat à emprunter aux banques: c'est la loi Pompidou-Rotschild-Giscard. Cette loi a été reprise dans le traité de Maastricht et dans le traité de Lisbonne. Elle interdit aux Etats et organismes publics d'emprunter à la banque centrale sans intérêt.

On appelle planche à billets la banque centrale. Pourtant, la banque centrale prêtant à l'Etat sans intérêt, toute la monnaie créée est éliminée après le remboursement du capital - dans le cadre d'une bonne pratique de financement de l'investissement. Aujourd'hui, la dette de l'Etat français approche les 1700Md€ et a déjà coûté plus de 1100Md€ d'intérêt en trente ans. Le budget 2011 fait apparaître un déficit de 88Md€ avec 286Md€ de dépense et 198Md€ de recettes.

Les salariés n'assument plus leurs besoins.


Générer du profit est nécessaire, mais
pas en laisser la disponibilité au patronat
qui choisit le dividende contre l'investissement.
Les effets de cette loi ce sont trouvés confortés par la social-démocratie avec le théorème d'Helmut Schmidt en 1975: "Les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après-demain.". Et le tournant de la rigueur pris par la présidence Mitterrand avec son Premier Ministre Fabius inflige aux salariés une chute brutale de la part des salaires dans le PIB sans que les investissements s'en trouvent augmentés - les profits ont surtout alimenté les revenus du capital plutôt que l'investissement. Quarante ans après, avec trente ans de politique dite de l'emploi, les emplois ne sont toujours pas là.

La contribution forcée des salariés à l'économie
utilisée sans contrôle de leur part.
Les politiques publiques menées depuis lors ont toutes visé l'allègement du coût du travail avec l'individualisation des salaires, la multiplication des emplois précaires et partiels, l'allègement des cotisations patronales sur les bas salaires. Elles ont entraîné un énorme besoin de crédits pour assumer la vie de tous les jours.

Principal outil d'aide aux entreprises, l'exonération des cotisations patronales ampute le salaire mis en commun par les salariés pour financer collectivement leur santé - le meilleur moyen pour permettre à tout le monde de se soigner - pour indemniser ceux d'entre eux qui perdent leur emploi et pour donner les moyens de vivre aux anciens. Ce salaire a été en parti compensé par l'Etat sur des ressources qui ont un poids important sur le revenu des salariés eux-mêmes.

Les entreprises sont soumises aux grands groupes.


Externalisation dans un grand groupe du CAC40
mesuré sur le nombre d'emplois (interne/externe)
Les frontières de l'entreprise sont devenues poreuses avec le recentrage sur le métier et l'extension de l'externalisation des fonctions du métier même.

Les TPE-PME se constituent sur une activité de sous-traitance qui ne leur permet pas de développer un projet industriel. Soumises à la concurrence imposée par les donneurs d'ordres, elles ne parviennent pas à assurer leur financement correctement à partir de leur activité et doivent se tourner régulièrement vers les banques.

Limiter l'intervention des banques


En fait, la cause de la dette s'impose aux Etats parce que les banques sont trop grosses pour faire faillite. C'est pour les protéger que les Etats doivent à tout prix rembourser. L'Etat français a payé plus de 1100 Md€ depuis 1973. Alors que la masse salariale a été multipliée par 3 depuis 1981, les dividendes distribués ont été multipliés par 20. Au lieu d'être consommé, cet argent a constitué un surplus conservé par les banques pour prêter plus:
- à l'Etat qui s'est privé de recettes avec les exonérations fiscales et sociales,
- aux salariés qui ont vu leur pouvoir d'achat baisser malgré ce qu'en dit l'institution statistique qui ne prend pas en compte le panier de consommation réel,
- aux organismes sociaux qui subissent le poids du chômage et des exonérations non compensées,
- aux entreprises qui n'ont pas l'activité nécessaire à leur croissance.

La politique menée depuis quarante ans est la cause de la crise. Pour s'en sortir, il faut changer de politique:
- donner du pouvoir aux salariés dans la stratégie de l'entreprise et diminuer le poids des dividendes qui privent l'entreprise de sa capacité d'investissement; le profit est nécessaire, mais ne doit pas être laissé sans contrôle aux "propriétaires";
- augmenter le pouvoir d'achat des salariés pour accroître la consommation et lutter contre les stratégies low-cost;
- permettre à l'Etat d'emprunter sans intérêt à sa banque central pour investir;
- permettre à l'Etat de fonctionner grâce à des recettes fiscales justes et proportionnelles aux capacités financières des contribuables;
- assurer le financement d'une protection sociale qui réponde aux besoins d'aujourd'hui;
- gouverner le crédit aux entreprises localement en utilisant les fonds constitués par l'épargne (livrets d'épargne).

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"Monsieur le Président de la République, François Hollande, appuyez vous sur le peuple de gauche pour entraîner le pays dans la voie du progrès."